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24.1.09

Introduction

De la fin des années 30 jusqu’à sa mort en 1993 Alberto Breccia a produit un nombre considérable de pages de bande dessinée et d’illustrations. Si toute sa vie il a beaucoup travaillé pour l’édition argentine, des opportunités pour publier ses bandes ailleurs et surtout la situation politique et économique de son pays l’ont conduit à poursuivre une carrière internationale. Ainsi, dès la fin des années 30, son strip Don Urbano est destiné à une revue colombienne. Au début des années 40, c'est Puño Blanco créé initialement pour le journal La Razón qui est diffusé aussi en Uruguay, en Colombie, au Paraguay et au Vénézuéla. Pendant les années 50, la bande dessinée d'Argentine connaît une période faste, son âge d'or, et il ne lui est pas nécessaire de démarcher ailleurs d'autant qu'il enseigne à la Escuela Panamericana de Arte de Buenos Aires. En 1960, Breccia se rend en Angleterre, et c’est là, dans les petits formats « de gare » de la Fleetway qu’il commence à mettre au point le style qui fera bientôt la fortune de Mort Cinder, entrepris à son retour en Argentine peu après. À la fin de la décennie, il publie, au Chili cette fois, une Historia Gràfica de Chile. Mort Cinder et L’Eternaute connaissent le succès lors de leur publication en revue en Italie à partir 1972. Dès lors sa production est principalement dirigée vers le marché européen. À partir des années 80 surtout, des recueils de ses histoires paraissent en Argentine, en Espagne en Italie et en France. Enfin, au début des années 90, Breccia fait, bien tardivement, l’objet d’une certaine attention en France et on lui commande dans ce pays des illustrations, couvertures de fanzines et autres tirages spéciaux. C'est à cette époque qu'il illustre également Il Nome della rosa d’Umberto Eco pour un éditeur italien. Ce rapide panorama nous montre que pour suivre pas à pas le développement de l’art d’Alberto Breccia, saisir ses métamorphoses stylistiques, il s’avère essentiel de croiser des références d’ouvrages de plusieurs pays, sur deux continents.
Cette oeuvre, si large, si protéiforme, n’a – nous semble-t-il – jamais été envisagée dans sa totalité car pour l’appréhender il faudrait d’abord bien la connaître. Alberto Breccia n’a pas connu le succès et l’aura médiatique de son collègue Hugo Pratt, si bien qu’il n’a pas suscité comme lui nombres de livres d’art, d’essais et de biographies. Si la critique reconnaît aujourd’hui le talent de Breccia et son influence considérable sur la bande dessinée mondiale, il semble que l’approche se fasse souvent avec une certaine crainte ou distance respectueuse ; on l’admire de loin, mais le public qui le lit et l’aime vraiment reste malheureusement encore trop restreint – c’est du moins notre sentiment –, même si en procédant à nos recherches bibliographiques nous avons pu découvrir nombres d’éloges passionnés. Certaines bandes de Breccia, parmi les plus connues, bénéficient aujourd’hui de rééditions de grande qualité, en Argentine comme en France, mais la majeure partie de son œuvre de bande dessinée et d’illustration reste méconnue, voire ignorée. Il convient donc de commencer à en définir le corpus, l’énumérer simplement sans établir aucune hiérarchie qualitative (même les oeuvres de Breccia les plus mineures sont dignes d’intérêt) afin d’avoir une vue d’ensemble d’où la nécessité de commencer à rassembler une bibliographie conséquente.
Alors que l’on peut disposer aujourd’hui, dans des ouvrages spécialisés et de plus en plus sur Internet, de bibliographies complètes d’écrivains, oubliés ou dispensables, de filmographies exhaustives de cinéastes obscurs, que l’on peut même tout connaître des aventures de tel ou tel super-héro grâce à des index détaillés couvrant intégralement l’histoire des comic-books, à notre connaissance il n’existe encore rien de comparable sur Alberto Breccia, il convient d'y remédier et nous sommes curieux de voir ce que nous allons découvrir…
La bibliographie de Breccia n'est pas aisée à établir, notamment car certaines bandes ont un parcours difficile à suivre. Parmi les histoires courtes publiées à l’origine en magazines, seule une portion sera rééditée en albums, souvent bien plus tard et dans un autre pays. C’est le cas de la première édition intégrale du cycle des mythes de Cthulhu éditée en album au Mexique en 1980, six années après la parution des premiers épisodes en Italie. De même pour son Dracula, recueilli en album pour la première fois en France en 1993.
Ces réimpressions se distinguent souvent par leur format, leur lettrage, voire leur mise en page. S’agissant des bandes dessinées en noir et blanc, l’aspect du dessin peut être fortement altéré d’une édition à l’autre, selon la qualité des documents utilisés pour l’impression (planches originales, photographies, films d’impression, éditions anciennes). Les pages peuvent être très contrastées, avoir un aspect « oblitéré » (une patine qui a ses amateurs !) lorsque l’éditeur travaille à partir de documents anciens, et peuvent au contraire faire apparaître des finesses de niveaux de gris inédites lorsqu’il travaille à partir de nouvelles photographies des planches originales. Sans parler ici des changements induits par les procédés de numérisation actuels.
Nous espérons également que cette bibliographie permettra de lever certaines idées fausses ou qui mériteraient d’être nuancées. Il en est ainsi, par exemple, de la supposée influence de Milton Caniff sur ses premiers travaux. En y regardant de plus près on constate à l’évidence que ce sont les influences d’Alex Raymond, le créateur étasunien de Jungle Jim et d’Agent Secret X-9, et dans une moindre mesure celle de Burne Hogarth, qui dominent dans les années 40. Plus tard, vers le milieu des années 50, on observe une certaine parenté entre son Vito Nervio et l'anguleux Johnny Hazard de Frank Robbins (rapprochement intentionnel ou simple coïncidence, cela reste à débattre).
De même, l’identité stylistique de Breccia est tout en circonvolutions. Et si l’on peut effectivement parler d’un passage entre une bande dessinée dite conventionnelle ( bien que ce terme s’applique toujours mal à Breccia ) et une bande dessinée expérimentale ou d’avant-garde, celui-ci n’est ni continu ni linéaire. On remarque par exemple qu’au tournant des années 70, Alberto Breccia alterne avec la plus grande facilité des bandes réalisées dans un style semi-réaliste classique hérité de sa veine de Vito Nervio (dans Escuadra Zenith ou Agente «nessuno») et d’autres beaucoup plus personnelles, définissant chacune leur propre style (L’Eternaute, les mythes de Cthulhu, Daneri, Buscavidas).
Ce site se propose de répertorier de façon exhaustive l’ensemble de l’œuvre d’Alberto Breccia publiée en français, en italien et en anglais et de donner un aperçu représentatif de ce qui a été publié en espagnol (un recensement vraiment exhaustif de l’œuvre de Breccia publiée ne serait-ce qu’en Argentine représente un travail d’une grande ampleur, que nous pouvons difficilement accomplir seul depuis la France ! Nous incluons cependant le plus grand nombre de références possibles).
Si cette base de données a notamment comme objectif de mieux cerner la carrière de Breccia, mettre ces travaux en regards les uns des autres et poser des repères bibliographiques, nous souhaitons également y faire figurer les éditions les plus récentes de ses livres, afin que l’amateur puisse prendre connaissance de ce qui existe en librairie dans sa langue. Sur Internet les questions du type « quel titre ?», « quel éditeur ? », « quelle version ? » sont nombreuses et nous espérons que cette bibliographie l’aidera à se retrouver
Ce cite, non officiel, a pour ambition de contribuer à faire mieux connaître et promouvoir l’œuvre d’Alberto Breccia. Il n’a aucun caractère commercial. L’auteur de ce site et ses collaborateurs sont les seuls responsables des informations et opinions diffusées.
Il est destiné aux amateurs, aux collectionneurs, aux curieux.
Nous prendrons la liberté de faire figurer sur ce site, à titre informatif, des échantillons d’images d’Alberto Breccia (pour les œuvres disponibles ou susceptibles d’être réimprimées à l’avenir, nous avons pris le parti de ne montrer que des recadrages de quelques cases) et espérons, sinon recevoir le soutien des ayants droit et éditeurs de Breccia, obtenir du moins leur tolérance.
Des versions en anglais et en espagnol de la présente introduction seront bientôt disponibles (peut-être opterons nous plus tard, et si nécessaire, pour des versions autonomes du site avec des adresses différentes). Une version en italien pourrait aussi être envisagée, avis aux amateurs.
Les informations diffusées ici seront régulièrement complétées et corrigées et la sélection des illustrations sera également remise à jour. N’hésitez pas à suggérer des ajouts ou des corrections. Les contributions sont les bienvenues…

Rotomago, janvier 2009
rotomago@free.fr